La résistance au changement se matérialise de plusieurs manières : 10 solutions à ces freins

Au sein d’une organisation, le changement ne peut voir le jour que grâce à l’adhésion et à l’engagement de l’ensemble des parties prenantes. Les collectivités territoriales connaissent de grandes transformations ces dernières années, telles la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique ou la digitalisation des procédures ou la mise en place de politiques environnementales. Le processus de transformation qu'elles mettent en place doit leur permettre de surmonter les résistances qui apparaissent en interne. Deux expertes de la question, Clotilde et Chrystel, consultantes en transformation des organisations publiques et coachs, nous font part de leur expérience concernant ces freins et les solutions à y apporter.

D’où vient la résistance au changement dans la fonction publique territoriale ?

Les freins aux changements prennent fréquemment leur source dans un défaut de communication interne. L’orientation qui est prise par l’organisation n’est pas exposée clairement à l’ensemble des équipes. L’organisation hiérarchique, souvent pyramidale, accentue l’éloignement entre l’encadrement et les agents. Du côté de ces derniers, un sentiment d’exclusion des processus de décision est souvent évoqué lors d’échanges. Lorsque certains projets mis en place précédemment n’ont pas reçu l’adhésion des équipes, c’est même une rupture de confiance qui peut se produire.
Selon Clotilde : « Quelle que soit la forme de l’organisation, publique comme privée, les personnes ne sont pas égales face au changement. Certains aiment le défi et la nouveauté quand d’autres sont dans le stress et l’appréhension. Ce qui est spécifique à la fonction publique, c’est qu’il s’agit bien souvent d’orientations de carrières supposées sécurisantes. Certaines personnes sont en poste depuis de nombreuses années et ne sont pas habituées, ni prêtes à vivre des changements. »
Enfin, la hiérarchie étant très marquée entre les agents de différentes catégories, il peut exister des réticences à s’exprimer face à un supérieur, par exemple lors d’ateliers organisés pour échanger dans le cadre du changement. Chrystel précise « C’est là que nous commençons à faire bouger les lignes. Notre préconisation est de toujours aller à l’écoute du terrain. La première étape est de comprendre ce que les agents vivent au quotidien et quels sont leurs ressentis par rapport à cela. Au travers de cette étape, nous cherchons systématiquement à dégager des solutions opérationnelles et particulièrement adaptées en réponse aux difficultés rencontrées. »

Les principaux freins au changement dans les collectivités territoriales

Clotilde évoque l’ouvrage « Éloge du changement, leviers pour l’accompagnement du changement individuel et professionnel » de Gérard-Dominique Carton qui distingue quatre formes principales de résistance :

1-  L’inertie consiste à différer la mise en place du changement sous couvert de prudence ;
2-  L’argumentation est une négociation sur de nombreux points du projet ;
3-  La révolte passe des actions visant à entraver la réalisation du projet, à montrer que ces actions de révolte vont mener le projet à l’échec si sa réalisation se poursuit ;
4-  Le sabotage est une forme de manipulation cachée visant à entraver la réalisation du projet.
On retrouve plusieurs de ces formes parmi les freins récurrents dans la fonction publique territoriale.

La méconnaissance du projet et les moyens de communication mis en œuvre

Une communication interne efficace se planifie. Il faut utiliser les bons moyens et bien distinguer l’action d’informer de celle de communiquer. En se contentant d’informer, on omet la dimension concertation, qui passe par le recueil des avis de chacun, la prise en compte de l’état d’esprit des uns et des autres et l’ajustement du projet, en intelligence collective.

Chrystel donne pour exemple une ville qu’elle a accompagnée. Des installations publiques ont été fermées pour des raisons budgétaires sans concertation préalable ni échange avec les collaborateurs. Seule l’information de la décision prise a été transmise. L’annonce de telles fermetures est jugée “violente” par les agents, qui, n’ayant pas été associés, ne comprennent pas les raisons d’un tel choix. Cela a eu des répercussions importantes en termes de motivation et de sentiment d’appartenance à la collectivité (rupture de confiance entre les élus et les agents). Les équipes ont notamment évoqué le fait de ne pas avoir été concertées en amont pour mener une réflexion sur d’autres éventuelles mesures qui auraient peut être pu permettre d’atteindre les résultats escomptés. Cet événement a eu des répercussions négatives sur le climat social, bien au-delà des seuls agents concernés.
La méconnaissance du projet, faute d’une communication adéquate, nourrit la peur de l’inconnu. Il est essentiel de donner du sens au changement pour éviter d’éveiller les résistances au changement qui font partie de la nature humaine et se manifestent tant au niveau individuel que collectif.

L’appréhension autour de la perte de légitimité pour l’encadrement

Dans de nombreuses collectivités, les encadrants de proximité ne sont pas formés au management. L’organisation même de la fonction publique territoriale implique une prise de fonctions managériales, lors notamment de la réussite de concours. Or, lorsqu’ils éprouvent des difficultés à adopter une posture et un positionnement adéquat, les encadrants peuvent avoir peur de perdre leur leadership face aux agents lors de concertations, au risque de se montrer perméables au dialogue et aux propositions.
Il existe aussi une crainte de prendre des décisions susceptibles de faire changer les choses sans l’aval du supérieur. Selon Clotilde : « Ce que j’observe dans une collectivité que j’accompagne, c’est qu’ils ne sont pas habitués au management transversal. Ils n’ont pas l’habitude du travail en mode gestion de projet. Ils ne sont pas réticents, mais plutôt démunis. » Chrystel évoque une collectivité qu'elle a accompagnée : « Lorsqu’on a travaillé sur les plans d’action, cela nous a amené à saisir cette opportunité pour transmettre nos outils et méthodes concernant le management transversal, le mode projet, l’animation de réunion… On a mis en place une formation-action pour pouvoir faire expérimenter directement les encadrants accompagnés ».

L’absence de dialogue social

Les représentants du personnel peuvent constituer un frein en s’opposant de manière globale à un changement. Le phénomène est accentué lorsque ces derniers n’ont pas été consultés en amont du projet. Ils sont parfois simplement informés lors des instances obligatoires comme le comité social territorial (CST). Pour qu’ils puissent se placer comme acteurs du projet, il est essentiel de les y impliquer dès le début.
À ce sujet, Chrystel évoque une collectivité territoriale dans laquelle elle a accompagné le passage aux 1607 heures annuelles. « Le sujet était perçu comme une hausse arbitraire du nombre d’heures travaillées. Nous avons pu faire passer notre message : la hausse du temps de travail est inévitable car la loi doit être appliquée. Soit vous contribuez à la définition des modalités de mise en œuvre, soit vous allez les subir. Nous souhaitons donc y travailler avec vous pour réfléchir ensemble à la manière dont cette évolution peut être une opportunité pour améliorer le service rendu aux usagers et la qualité de vie au travail. Une fois le dialogue social ouvert, d’autres pistes présentées ont permis de leur donner un rôle d’ambassadeur. Ils ont alors pu faire le relais avec les agents pour la mise en place de compensations, la réorganisation du travail, l’aménagement des horaires ou encore la réorientation d’une partie des heures vers des évolutions favorables à une meilleure qualité de vie au travail (augmentation des heures hors face à face, sanctuarisation de temps d’échange en équipe, instauration de séances de sport …). Lors d’autres missions de réorganisation, les représentants du personnel ont pu jouer un rôle d’ambassadeurs en incitant notamment les agents à contribuer au changement. Ils les ont notamment fortement incité à répondre à un questionnaire. »

Les solutions pour lever la résistance au changement dans la fonction publique

1- On peut tout d’abord adopter une posture d’écoute des agents afin d’y répondre au mieux, puis formaliser les objectifs poursuivis par le projet et mettre en place un plan de communication et de concertation.
2- Sur certaines actions, il est judicieux de désigner un pilote de projet qui n’est pas encadrant. Cela contribue à éviter les blocages dans le dialogue dû aux différences hiérarchiques évoquées précédemment. En outre, les agents sont les meilleurs ambassadeurs des changements auprès des autres agents.
3- Il est préférable d'ouvrir le dialogue avec l’ensemble des personnes concernées par le changement. En suivant les principes du lean management, on peut constituer des équipes capables de trouver elles-mêmes les solutions pour mettre en place le changement (méthodes de résolutions immédiates de problèmes par et pour les équipes). C’est que l’on appelle une organisation apprenante.
4-  L’organisation apprenante passe par l’expérimentation. Les personnes doivent être en capacité de tester des solutions à des problèmes récurrents sans craindre de subir de conséquences en cas d’échec.
5-  Nous recommandons ensuite de former l’encadrement, qui doit être associé au projet de manière prioritaire et privilégiée. Il faut alors travailler sur la posture via un codéveloppement et des échanges sur les pratiques. Il est aussi nécessaire de leur transmettre des éléments de langage qui leur permettront de communiquer au mieux sur le projet.
6- Il est également conseillé d’associer les représentants du personnel et les élus en amont du projet. Il s’agit d’en faire de véritables contributeurs du projet qui maîtrisent aussi les éléments de langage.
7-  Pour que le dialogue interne existe, la direction et l’équipe encadrante doivent se placer dans une position d’écoute active. Chacun doit être ouvert aux solutions proposées, sans idées préconçues, sans refus immédiat des solutions évoquées.
8-  La direction peut aussi avoir besoin d’un accompagnement, elle apprend alors à  adopter des pratiques telles que le feedback, la valorisation du travail accompli. Lorsqu’il s’agit d’un binôme de dirigeants, l’accompagnement doit les amener à être alignés sur le projet.
9- Enfin, un accompagnement efficace se fait  à plusieurs niveaux. Il peut être pertinent d’agir au niveau individuel et collectif après avoir identifié des points à améliorer.
10-   En disposant d’un plan d’action pour piloter un projet, le processus peut être rectifié à tout moment. Il faut donc suivre une feuille de route et mettre en place des outils de pilotage contenant des indicateurs, des actions, des échéances…

Hibyrd a développé le concept Hilearn®, une démarche qui vise à rendre les organisations apprenantes. Cette démarche hybride allie consulting et coaching afin d’agir simultanément sur les aspects techniques et relationnels. Il s’agit d’une approche de l'organisation apprenante basée sur une recherche de l'excellence opérationnelle. Lorsqu’une organisation devient apprenante, des ambassadeurs peuvent peu à peu prendre le relais du consultant pour poursuivre le travail mis en place

Contactez nous pour en savoir plus

Publié le 15 juin 2023par Hibyrd

Ces contenus peuvent aussi vous intéresser

L'IA, une opportunité pour les collectivités territoriales
21 mai 2025
L'IA, une opportunité pour les collectivités territoriales

La GPEC/GPEEC dans le secteur public : bonnes pratiques et outils pour une mise en œuvre réussie
6 déc. 2024
La GPEC/GPEEC dans le secteur public : bonnes pratiques et outils pour une mise en œuvre réussie

Change management : voici la diversité des projets derrière ce mot
22 nov. 2024
Change management : voici la diversité des projets derrière ce mot

Face à l'essor de l'intelligence artificielle, comment Hibyrd accompagne-t-il ses clients dans ce projet de transformation ?
3 nov. 2024
Face à l'essor de l'intelligence artificielle, comment Hibyrd accompagne-t-il ses clients dans ce projet de transformation ?

Consulting RSE : top 10 des projets accompagnés par les cabinets de conseil
23 oct. 2024
Consulting RSE : top 10 des projets accompagnés par les cabinets de conseil

Nos dernières actualités

Bilan de la loi 2019 de transformation de la fonction publique : où en sont les collectivités ?
17 avr. 2025
Bilan de la loi 2019 de transformation de la fonction publique : où en sont les collectivités ?

Nouvelle convention collective de la métallurgie : quels changements pour les cadres et non-cadres et quels impacts sur le management ?
19 févr. 2025
Nouvelle convention collective de la métallurgie : quels changements pour les cadres et non-cadres et quels impacts sur le management ?

Quelle est la place de l'humain dans l'IA ?
22 janv. 2025
Quelle est la place de l'humain dans l'IA ?

Diagnostic fonctionnel sécurité : évaluez votre niveau de maturité en matière de cybersécurité
3 déc. 2024
Diagnostic fonctionnel sécurité : évaluez votre niveau de maturité en matière de cybersécurité

Customer experience : quels enjeux pour les collectivités territoriales ?
18 oct. 2024
Customer experience : quels enjeux pour les collectivités territoriales ?

  1. Accueil
  2. Actualités
  3. La résistance au changement se matérialise de plusieurs manières : 10 solutions à ces freins

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation des cookies afin de réaliser des statistiques d'audiences et rendre votre visite plus agréable, conformément à notre politique générale de protection des données.