Bilan de la loi 2019 de transformation de la fonction publique : où en sont les collectivités ?
La loi de transformation de la fonction publique de 2019 a marqué une étape clé dans la modernisation des ressources humaines du secteur public. Son application dans la fonction publique territoriale a soulevé des défis, notamment en matière de gestion des compétences, de modification du temps de travail et de dialogue social. La loi a aussi offert des opportunités d’améliorer l’efficacité des services publics qui n’ont pas nécessairement été saisies. Nous faisons aujourd’hui un point sur l’application de la loi dans les collectivités territoriales, 6 ans après son adoption.
Qu’est-ce que la loi 2019 de transformation de la fonction publique ?
Entrée en vigueur le 7 août 2019, la loi de transformation de la fonction publique affichait l’ambition de poser « les fondements d’une rénovation en profondeur du cadre de gestion des ressources humaines dans la sphère publique. »[1]. Pour cela, elle cherchait à rendre les services publics plus efficaces et plus proches du territoire. La loi s’axait sur 3 objectifs :
- Assouplir la gestion des ressources humaines pour fluidifier le dialogue social et mieux gérer les compétences ;
- Modifier les droits des agents en matière de temps de travail et de possibilités d’évolution professionnelle ;
- Rendre la fonction publique exemplaire via une transparence accrue et une meilleure égalité dans la gestion RH.
La loi concerne les trois versants de la fonction publique et ses 5,6 millions d’agents publics dont 1,9 million dans la fonction publique territoriale (FPT). Elle s’inscrit dans la continuité des lois précédentes, dont la loi de modernisation de la fonction publique, et cherche à harmoniser les droits des agents avec ceux des salariés du privé.
Quels dispositifs de la loi s'appliquent spécifiquement à la fonction publique territoriale ?
65 des 95 articles de la loi ont impacté la FPT, voici les principales mesures :
- L’harmonisation du temps de travail, ou passage aux 1607 heures annuelles, mettait fin au régime dérogatoire dans la fonction publique. Une opportunité de négocier plusieurs aspects liés aux conditions de travail des agents, notamment la prise en compte de la pénibilité et la création de jours de RTT.
- La création des lignes directrices de gestion (LDG) en matière de valorisation des parcours professionnels. Ce dispositif vise à améliorer la gestion des compétences dans la fonction publique via la création par chaque administration d’une stratégie RH. L’objectif était aussi d’offrir de la transparence aux agents publics sur la politique de mobilité et de promotion pour qu’ils comprennent mieux les décisions.
- L’obligation de formation pour les agents accédant à des fonctions managériales donne des clés pour bien gérer son équipe afin de créer un environnement de travail épanouissant et favoriser l’efficacité de son service.
- Le renforcement de l’égalité femme-homme via des mesures comme la mise en place d’un plan d’action pluriannuel. Ce plan doit permettre de réduire les écarts de rémunération, de garantir un accès égal aux postes dans la fonction publique, de faciliter l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale et de mieux prévenir les violences sexistes et sexuelles.
- La définition de différentes modalités et conditions de mise en œuvre du télétravail, pour mieux encadrer son application.
- La création du comité social territorial (CST), une nouvelle instance de représentation du personnel, devait relancer et fluidifier le dialogue social.
- L’évaluation professionnelle, lors d’un entretien annuel, se substitue au système de notation pour l’appréciation de la valeur professionnelle.
- Niveau congés, l’apparition du congé proche aidant et d’autorisations d’absences pour motifs familiaux.
- Un encadrement du droit de grève visant à assurer un service minimum pour garantir la continuité des services publics.
Comment les mesures phares ont-elles été mises en œuvre dans les collectivités territoriales ?
Quatre experts de la fonction publique nous ont fait part de leurs constatations vis-à-vis de l’application de la loi. Ils sont consultants Hibyrd, spécialisés dans l'accompagnement du secteur public en tant que DRH ou ancien DRH.
Les lignes directrices de gestion (LDG)
De l’avis général, l’obligation de définition des LDG en matière de valorisation des parcours professionnels a été respectée dans les collectivités territoriales. Il ressort cependant que ce projet a souvent été mené de manière superficielle, en se limitant à la question de la promotion interne quand il peut aussi améliorer la QVT ou encore l’égalité femme-homme. Les LDG offrent pourtant des outils qui peuvent être utilisés pour construire une réelle stratégie RH. Même si la mise en place des LDG comporte des limites « cela a tout de même conduit à des réflexions en CST (comité social territorial) sur les promotions internes et les conditions pour y accéder. Nous avons pu constater que les débats sur ces sujets étaient plutôt riches. Cela a permis de s’interroger sur ce qu'on attend d'un agent pour lui permettre d'avancer. ».
Définir des LDG est aussi une opportunité d’apporter de la transparence sur les processus de promotion interne. « Les LDG sont un vrai outil de promotion RH. Les RH n’ont pas forcément bonne presse concernant la promotion interne parce que de l’extérieur, on peut avoir l’impression que c’est fait « à la tête du client » alors que nous suivons un cadre formalisé. » Par ailleurs, le processus de définition des LDG peut être amélioré en formant les représentants du personnel qui peuvent manquer de connaissances pour mener à bien les négociations, particulièrement dans les petites communes.
Si tout le potentiel des LDG n’a pas été exploité, ce serait à cause d’un manque de moyens, de temps et de perspective stratégique. « Les LDG, ça peut être un très bel outil, mais il faut bien l’appréhender et le mettre en œuvre. Il faut aussi des moyens et du temps, malheureusement, côté RH, nous avons aussi eu le sujet des 1607 heures à traiter en même temps. » Par ailleurs, les personnes qui s’en sont chargées n’avaient pas nécessairement « conscience de l’intérêt de ce que cela peut apporter en termes de structuration, de dialogue, de vision prospective ». Redéfinir des lignes de gestion réellement co-construites peut être un puissant levier pour redynamiser la gestion RH.
L’harmonisation du temps de travail
Un constat assez proche ressort de la mise en œuvre des 1607 heures annuelles. Dans de nombreuses collectivités, la mise en conformité semble avoir été motivée par la volonté de se conformer à la loi, sans tirer réellement profit des leviers d’efficience qui pouvaient être activés à ce moment-là. « J’ai été interpellée par le fait que l’application des 1607 heures annuelles ait permis de dégager des heures de travail supplémentaires. Mais bien souvent, on ne s’interrogeait pas sur leur réattribution. Ce temps peut être réaffecté sur de nouvelles missions pour travailler de manière plus efficiente en mode projet et ainsi redonner du sens au travail. »
Disposer de temps supplémentaire sur un poste peut servir à des agents pour traiter des dossiers en disposant de temps hors face à face avec les usagers. Dans certaines collectivités, les agents utilisent les heures dégagées pour aller travailler dans d’autres services en soutien. Ce temps peut aussi servir à développer une méthode de travail encore sous-exploitée dans la fonction publique territoriale, le travail en mode projet. Une consultante relate des témoignages qu’elle a fréquemment reçus de la part d’agents : « Dans les collectivités, les gens disent souffrir au quotidien parce qu'ils sont appelés à la dernière minute, sans être informés des projets en cours au préalable. »
L’harmonisation du temps de travail devait aussi améliorer la prise en compte de la pénibilité au travail en accordant des jours de congés aux personnes concernées. Seulement, dans certaines collectivités, ce point n’aurait pas été traité, ce qui n’empêche pas de revoir les dispositions mises en place comme le relate ce témoignage au sujet d’une communauté de communes : « On a appliqué le texte, mais on n’a pas mis en place de jours de pénibilité. Pour autant, pour des agents de collecte des déchets ou des agents de crèches, on est dans le cas de métiers pénibles. Nous allons donc rentrer dans une réflexion dans les mois qui viennent sur l'attribution d'un certain nombre de jours. »
La mise en place du télétravail
En ce qui concerne le télétravail, il a pu être mis en place dans certaines collectivités, mais souvent sans cadre spécifique et sans suivi pour l’ajuster au fil du temps. Cela fait pourtant partie des leviers d’attractivité dont la fonction publique a besoin pour faciliter les recrutements. « Certaines collectivités ont préféré revenir sur le télétravail parce que cela ne fonctionnait pas, plutôt que de mener une réflexion autour de sa mise en place. »
Le travail à distance nécessite la mise en place d’une nouvelle organisation au sein des équipes et de revoir la posture des managers. En effet, le passage au télétravail peut être mal vécu lorsqu’il existe une crainte de perte de leadership de la part des encadrants.
L’égalité femme-homme
Ce sujet est aussi souvent traité « au minimum » afin d’être conforme à la réglementation. Lorsque les collectivités qui se sont réellement saisies de la question, elles l’ont fait sous l’impulsion d’une volonté politique.
Lorsqu’un plan d’action est mis en place, il faut qu’il soit correctement piloté pour porter ses fruits. Bien souvent, le manque de moyens pour ce type d’action provient d’un manque de temps du côté des RH, déjà mobilisés par l’administration du personnel. Il peut aussi y avoir un manque de conscience des leviers qu’une politique d’égalité femme-homme peut actionner comme une amélioration de la QVT et de l’attractivité.
Quel accompagnement pour mieux appliquer la loi de 2019 et en faire un levier d’efficience ?
En faisant appel à un consultant pour faire un bilan sur l’application de la loi de transformation de la fonction publique, les collectivités ne se contentent pas de s’assurer de leur conformité vis-à-vis de la loi. Elles vont aussi :
- Développer leur attractivité sur le marché ;
- Fidéliser et motiver les équipes en offrant un environnement de travail épanouissant ;
- Améliorer la performance du service public d'autant plus nécessaire au regard d'un contexte financier contraint et incertain.
Nos consultants experts du secteur public comprennent le fonctionnement et les contraintes des collectivités territoriales.
L’accompagnement commence par un diagnostic territorial 360°, un diagnostic technique pluridisciplinaire permettant d’évaluer le contexte financier, les attentes des parties prenantes… Ce diagnostic débouche sur des préconisations offrant la possibilité d’actionner différents leviers en fonction des priorités grâce aux différents outils offerts par la loi.
Faire un diagnostic est aussi une opportunité de faire le point sur ses priorités. Les élections municipales étant prévues en mars 2026, les prochains mandats représentent une opportunité de s’interroger sur les leviers à activer et les marges de manœuvre à développer. Cette réflexion doit se faire tout en garantissant une mise en place des orientations stratégiques de manière efficience, en optimisant l'utilisation des ressources existantes.
La particularité d’Hibyrd est son approche Hilearn®, une démarche visant à prendre en compte les paramètres à la fois techniques et humains de chaque projet. Comme toute transformation, l’application des différentes mesures de la loi de transformation de la fonction publique suscite des résistances au changement. Les freins apparaissent souvent par manque de connaissance des projets ou lorsqu’il s’agit d’un important changement dans la culture interne. L’approche Hilearn® contribue à lever ces freins en prenant mieux en compte dans le projet les enjeux relationnels, comportementaux et culturels.
N'hésitez pas à nous contactez dès maintenant pour échanger sur vos besoins.
[1] Ministère de l’action et des comptes publics, Guide de présentation de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique et de son calendrier de mise en œuvre, 2019