Le télétravail dans la fonction publique territoriale : que dit l'accord cadre ?
L’accord cadre pour le télétravail a constitué une grande avancée dans la fonction publique. Deux ans après sa signature, il a permis à de nombreux agents publics d’accéder à cette pratique auparavant réservée au secteur privé. L’application de l’accord cadre est une opportunité pour les collectivités de moderniser leurs relations humaines et de gagner en attractivité. Elles doivent pour cela maîtriser les risques liés au travail à distance et mener une réflexion sur leur organisation globale.
Les principes à adapter dans chaque collectivité
Le club de réflexion Sens du service public et OpinionWay ont mené un sondage auprès d’agents du service public, avant de livrer les résultats en avril dernier. On y apprend que 29 % des fonctionnaires pratiquent le télétravail, contre 26 % des salariés du privé.
L’accord cadre sur le télétravail dans la fonction publique, et les décrets qui ont suivi, ont défini de grands principes. Voici les principaux :
- Le télétravail se fait sur la base du volontariat ;
- Une présence sur site de 2 jours par semaine minimum est requise ;
- Il doit y avoir une égalité de traitement entre les agents en présentiel et les agents en télétravail ;
- Il existe un principe de réversibilité du télétravail ;
- Les données personnelles de l’agent en télétravail doivent être protégées ;
- Le droit à la déconnexion de chacun doit être respecté.
Il revient à chaque collectivité de mettre en place un dialogue interne pour décliner ces principes dans une charte du télétravail adaptée à l’organisation. Il faut savoir que même en l’absence de délibération, en théorie, l’agent dispose du droit de demander à faire du télétravail.
Comme lors de l’application des 1 607 heures annuelles, la mise en place du télétravail est une opportunité pour les collectivités d’optimiser leur organisation et de moderniser leur approche RH. Pourtant, notre spécialiste du secteur public, Chrystel Farnoux, a observé que dans de nombreux cas, la mise en place du télétravail a débouché sur des situations insatisfaisantes, où la mise en oeuvre du dispositif n’a pas été accompagné des évolutions et accompagnements nécessaires en matière d’organisation du travail ou de management individuel ou collectif des équipes.
Ainsi, non accompagné, le télétravail comporte des risques pour les personnes et le service aux usagers.
Les risques liés à la mise en place du télétravail lors de l’application de l’accord cadre
Un premier risque se situe au niveau du climat social. Tous les métiers ne pouvant pas se pratiquer en télétravail, un sentiment d’injustice peut être ressenti par les agents travaillant obligatoirement en présentiel. Cela accentue une fracture qui est quelquefois sous-jacente (voire très clairement visible) notamment entre les métiers de terrains et les métiers dits supports. Pour améliorer le climat social, il convient de travailler sur la pédagogie et la communication interne, c’est-à-dire de mettre en place une véritable stratégie de conduite du changement. Il est aussi possible de mener une réflexion plus globale sur l’équité (notamment concernant le régime indemnitaire sur les métiers où il existe une pénibilité ou des contraintes particulières pesant sur les agents) afin de recréer un sentiment de justice et d’équité.
Les agents en télétravail sont exposés à des risques pouvant avoir des conséquences sur leur santé mentale. Ces risques peuvent être liés à l’isolement, le télétravail étant largement pratiqué depuis le domicile, quand il pourrait se faire dans un lieu dédié tel qu’un espace de coworking. Le télétravail est aussi source de mauvais équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Cela signifie que les agents pourraient eux-mêmes avoir des difficultés à limiter leurs heures de travail. Le droit à la déconnexion peut aussi ne pas être appliqué par l’équipe managériale.
En outre - et il s’agit d’un point particulièrement important - le collectif peut être fragilisé en l’absence d’un management adapté, capable de maintenir la cohésion d’équipe. La difficulté à manager un collectif déjà constatée en présentiel (positionnement managérial, contraintes de terrain …) est ici accentuée. En effet, pour que le télétravail soit mis en place dans de bonnes conditions, une transition doit s’opérer pour passer d’un management basé sur le contrôle - également source de stress – à un management basé sur la confiance. La mise en place du télétravail est une formidable opportunité de s’orienter vers un management par objectifs contrôlé via l’atteinte des résultats. Cela offre de l’autonomie aux agents tout en redonnant du sens au travail.
Un autre risque existe. Il s’agit d’une diminution de la qualité du service rendu. En effet, il ne faut pas sous-estimer le fait que le télétravail (s’il n’est pas effectivement organisé) peut avoir des conséquences, comme cela est constaté, sur la qualité notamment de l’accueil téléphonique des usagers ou des interactions en interne.
Au-delà des causes organisationnelles et liées au management, les risques évoqués ci-dessus sont bien entendu accentués lorsque le matériel et les outils mis à disposition ne sont pas adaptés au télétravail. En dehors des réunions d’équipe, les agents doivent pouvoir communiquer entre eux comme ils auraient pu le faire en présentiel. La question du matériel concerne aussi la protection des données. Pour mettre en place un système adapté, il est essentiel de mener une étude et une analyse des besoins de la collectivité en fonction de son contexte et de sa taille. Au final, si le télétravail est mal organisé, c’est la qualité du service rendu aux usagers qui est impactée.
Le télétravail, source d’opportunités parfois sous estimées
L’application de l’accord cadre sur le télétravail dans la fonction publique est une opportunité de repenser les relations internes afin d’en faire un levier de performance, notamment dans le domaine managérial. Le management peut ainsi avoir pour rôle de donner une impulsion pour permettre aux agents de donner le meilleur d’eux-mêmes. Une mutation des méthodes de management est un travail évolutif, fait de feedbacks et d’expérimentation permettant d’améliorer les process au fur et à mesure. C’est que l’on appelle l’amélioration continue, qui est le fondement de l’organisation apprenante.
Les collectivités souffrent d’un manque d’attractivité, qui, combiné à un fort absentéisme, entrave le bon fonctionnement des services et fait peser de lourdes charges de travail sur les agents présents. Dans un contexte où les budgets des communes sont restreints, l’application de l’accord cadre sur le télétravail est une opportunité d’améliorer la qualité de vie au travail (QVT). En éliminant une partie de leurs trajets pour se rendre sur leur lieu de travail, les agents gagnent à la fois du temps et du pouvoir d’achat. Le télétravail répond aussi à une préoccupation croissante chez les personnes en recherche d’emploi : l’engagement de l’organisation pour le développement durable.
La qualité de service offert aux usagers peut être améliorée par le télétravail. La productivité des agents augmente sous l’impulsion d’une hausse de la motivation. Les dossiers de fond, à forts enjeux peuvent être traités dans ce cadre (car souvent délaissés au profit de “l’urgence du quotidien”). Concernant les fonctions d’accueil, la réorganisation du travail peut permettre aux agents d’accueil de disposer de temps hors face à face pour raccourcir les délais de traitement des demandes, bien entendu en fonction des effectifs disponibles. Ils peuvent ainsi traiter les dossiers dans le calme, sans être interrompu et assurer un bon suivi.
Se faire accompagner lors de la mise en place de l’accord cadre sur le télétravail
Ainsi, la réussite de la mise en place du télétravail, sur la base de l’accord cadre, ne peut être au rendez-vous que si certaines conditions sont respectées. Nombre de collectivités sont confrontées à un manque de temps et à une appréhension des méthodes et outils en conduite du changement. C’est ce qui les pousse à retranscrire les textes réglementaires dans la charte de télétravail sans engager une réflexion collective sur les facteurs clés de succès et l’activation des leviers en découlant.
L’accompagnement que nous proposons dans ce domaine se situe en amont. Nous travaillons tant avec les dirigeants, que l’encadrement intermédiaire ou les agents afin de créer une nouvelle et meilleure organisation du travail, source d’amélioration de service et de QVT. Nous mettons l’accent sur la posture des managers et leur proposons une boite à outil (une formation-action pour animer des réunions à distance, des processus pour communiquer entre agents, apprendre à manager par objectif…). Naturellement, nous incluons les représentants du personnel dans ce processus de réorganisation. Enfin, nous travaillons en accord avec la direction, qui doit être sponsor du changement en offrant un cadre favorable.
Prenez contact avec nous pour vous faire accompagner.